Génisses

Jean-Christophe LAMER Dr vétérinaire

mercredi 22 avril 2020

La dermatité digitée, l'éradiquer à la source

Nous nous sommes plusieurs fois, lors de publications passées (lettres Synthèse Elevage n°6, n°8, n°10), penchés sur le thème de la dermatite digitée chez les bovins. Cette maladie est d’une importance majeure en élevage désormais et, fort heureusement, les connaissances progressent tous les jours, à la fois concernant son épidémiologie et sa maîtrise.

Des protocoles de soins existent face à la dermatite digitée, qui permettent de limiter les conséquences négatives de la maladie sur le cheptel, à défaut de prétendre pouvoir l’éradiquer. Nous nous proposons, dans cet article, d’aborder un point peu mis en avant dans la problématique de la maîtrise de la dermatite digitée en élevage, à savoir le rôle de réservoir potentiel joué par les génisses.

Surveiller les génisses

Une fois la maladie diagnostiquée dans l’élevage, sur le troupeau de vaches, il est primordial d’aller voir si la maladie est également présente sur les génisses. En effet, ces animaux faisant l’objet de beaucoup moins de surveillance, il est facile d’ignorer la présence de dermatites parmi eux. De plus, les jeunes bovins sont plus sensibles que leurs aînés à la maladie du fait de leur statut immunitaire. Il pourra être utile de se faire aider d’un conseiller pour poser ce diagnostic. Savoir si les génisses de l’élevage sont concernées ou pas est important à plusieurs points de vue.

Limiter la propagation

Le premier est qu’il est illusoire de prétendre maîtriser la maladie dans l’élevage si des génisses infectées sont périodiquement introduites dans le troupeau de vaches. Chaque nouvelle introduction, au même titre qu’un achat extérieur, fera courir le risque de relancer la circulation des agents pathogènes dans le troupeau et de déstabiliser un équilibre certes précaire. On sait, en effet, que lors de son introduction dans un élevage naïf*, la maladie se propage rapidement, affectant en priorité les jeunes vaches. Jusqu’à 85 % des animaux peuvent être atteints à l’issue de la première année. Puis la prévalence diminue et la situation endémique s’installe (RELUN et al., 2010 b). Une médiane de 5 à 10 % de vaches infectées par élevage a été donnée par HOLZHAUER et al. en 2006. La maîtrise de l’état sanitaire des génisses à l’introduction dans le troupeau est donc fondamentale.

Préserver les performances

Le deuxième point est que l’impact de la dermatite digitée sur la carrière à venir de la génisse infectée est majeur. Lors des journées Bov’Idée, qui se sont tenues à Pacé en juin 2017, le professeur Raphaël Guattéo a présenté les résultats de Gomez et al. (2014), qui indiquent que les primipares atteintes de dermatite avant vêlage ont produit moins de lait en première lactation et ont eu de moins bonnes performances de reproduction.

Respecter les règles de biosécurité

La conduite à tenir vis-à-vis des génisses n’est pas différente de celle concernant les vaches. Dans l’hypothèse favorable où la maladie ne s’est pas propagée dans le pré-troupeau, on veillera à une application stricte des règles de biosécurité. Un cloisonnement des différentes phases d’élevage est respecté, avec, si possible, le principe de marche en avant. Il faut éviter au maximum les allées et venues entre les bâtiments et les différents logements. On sera en particulier vigilant à ne pas mélanger les vaches taries avec les génisses. Ce sont les génisses en fin de gestation qui doivent rejoindre le lot de vaches taries et non l’inverse. Même chose concernant les vaches de réforme. Une case dédiée doit leur être réservée et ne doit pas servir, même occasionnellement, de logement pour génisses. Dans les élevages pratiquant la saillie naturelle, une attention particulière sera portée au(x) taureau(x). Il est fréquent de voir un mâle reproducteur faire la navette entre le troupeau de vaches et les lots de génisses.

Des facteurs de contamination divers

Même si les animaux infectés sont vraisemblablement la source majeure d’infection, il faudra respecter un certain nombre de règles concernant les autres possibles modes de contamination, c’està- dire les hommes et les matériels. L’hygiène des personnes en contact avec les animaux doit être rigoureuse. Les bottes étant un vecteur important de transmission des agents pathogènes, des points d’eau et des pédiluves doivent être présents à chaque entrée de bâtiment. Le matériel de parage doit être idéalement réservé au troupeau adulte. On sait qu’un matériel mal désinfecté peut être vecteur de la maladie. Si une génisse doit faire l’objet d’un parage, le matériel sera scrupuleusement désinfecté préalablement. Bien évidemment, et comme pour le troupeau adulte, les conditions de logement sont importantes. L’hygiène doit là encore être rigoureuse. On sera en particulier sensible à l’absence d’humidité excessive. Il peut être utile pour juger rapidement de la qualité du logement des génisses de réaliser des notations de l’état de propreté, à l’instar de ce qui se fait sur les vaches. C’est un indicateur fiable et facile à recueillir. Dans le cas où la maladie est déjà présente sur le pré-troupeau, l’ensemble des mesures ci-dessus s’applique. On y rajoutera la nécessité de traiter les animaux atteints avec la contrainte majeure de la contention à mettre en place.

Pour finir, il n’est pas inutile de rappeler que la dermatite digitée est une maladie qui s’achète. L’introduction d’un animal porteur dans un cheptel naïf est une cause majeure de diffusion de la maladie. Il est donc vivement conseillé de pratiquer une quarantaine, lors d’un achat, et de réaliser ou faire réaliser un examen clinique de l’animal acheté,
avant qu’il ne rejoigne le cheptel.

conseils technicien Lettre SE bovin 11

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